Selin Kandemir
mai 24, 2022
Ces 10 dernières années, les baisses de dotations, puis les différentes réformes fiscales (suppression de la taxe d’habitation, évolution de la fiscalité des entreprises) ont considérablement réduit l’autonomie financière des collectivités, mettant à mal le principe de libre administration et s’apparentant à une recentralisation à marche forcée, sans les moyens alloués aux compétences obligatoires déléguées.
Les récentes annonces du président de la République laissent craindre que ce mouvement de fragilisation des collectivités territoriales va continuer et s’accentuer.
Il s’agirait d’amorcer un plan d’économie de 20 milliards d’euros, dont 10 pour les collectivités territoriales, afin de rembourser la dette Covid, et de retourner au pacte dit de « Cahors » : contrat léonin qui est, en réalité, une mise sous tutelle des collectivités.
Alors que pendant la pandémie, chacune et chacun a pu être témoin du rôle de « bouclier social » des services publics locaux, assurant la préservation de la cohésion, de la justice et de l’égalité républicaine, ces annonces sont de mauvais augure pour les collectivités et les habitantes et habitants de notre territoire.
Déjà impactées par la Covid, les finances des collectivités territoriales sont aujourd’hui mises à rude épreuve dans un contexte d’inflation généralisée et de hausse des dépenses contraintes (matières premières, énergies, augmentation nécessaire du point d’indice, SEGUR de la santé, etc.), dans un contexte géopolitique trouble.
Ces mesures annoncées seraient fiscalement et socialement injustes. Les collectivités ne représentent que 11 % de la dette publique et il est étonnant qu’elles reprennent à leur compte 50 % de l’effort national. Elles ont l’obligation de présenter des budgets en équilibre. Elles sont les premières de cordée et interviennent en première ligne auprès des habitants et habitantes. Elles déploient une action publique quotidienne, de proximité et indispensable que ce soit dans les écoles, l’espace public, l’énergie, la collecte des déchets, la transition écologique, le soutien à l’économie locale, la santé, la petite enfance, la culture mais aussi à travers les politiques de solidarité, en soutenant les associations et en œuvrant pour la cohésion sociale.
Ces 10 milliards d’euros demandés aux collectivités sont à mettre au regard des pertes de recettes induites par la suppression de l’ISF, par la baisse de l’imposition des plus-values boursières et par la fiscalité sur les dividendes (« flat tax »), soit environ 3 milliards d’euros par an ; au regard aussi de la fraude fiscale, estimée à 80 milliards par les ONG ; au regard de l’augmentation des subventions et aides publiques aux énergies fossiles, malgré les alertes des scientifiques sur le climat, qui atteignent 7 milliards d’euros par an.
Ces économies demandées sont aussi à comparer aux montants des niches fiscales estimées à 80,7 milliards d’euros par an, une partie de ces niches étant jugées inefficaces ou peu efficientes par la Cour des Comptes.
La conséquence de ces mesures serait la réduction, en volume et en qualité, du service public local et la diminution de l’investissement public. Or, après un nouveau rapport du GIEC toujours plus alarmiste, nous avons plus que jamais besoin de préparer l’avenir, en engageant massivement la planification écologique et en renforçant les politiques de solidarité et d’inclusion pour répondre à l’impératif de justice sociale.
Enfin, il s’agirait là d’un coup de massue terrible et contre-productif pour l’économie locale, puisque les collectivités portent 70 % de l’investissement public en France. Elles préparent l’avenir et sont les maillons clés pour répondre aux crises écologiques et sociales.
D’autres choix sont possibles pour réaliser des économies budgétaires, financer le service public, réduire les inégalités, résorber les précarités, protéger les plus vulnérables et mettre en place une véritable planification écologique à partir des territoires.
En conséquence, la Ville de Strasbourg :
– Demande au président de la République de renoncer à ce plan d’économie de 10 milliards d’euros ponctionnés sur les collectivités ;
– Apporte son soutien à la création de dotations Climat, défendues par les associations d’élu·es de façon transpartisane, et d’un bouclier social, qui apporteront des moyens supplémentaires pour agir concrètement en faveur du climat et du quotidien des Strasbourgeoises et des Strasbourgeois.
Motion déposée conjointement par les groupes :
Strasbourg Écologiste et Citoyenne
Pour la Justice Sociale et l’écologie Populaire